Un jaloux et une curieuse entrent dans un bar... - Ft. Judith

C’est comme ça qu’il aime finir la journée, Galien, les pieds sous la table et la table soutenant une bonne pinte. La bière n’est pas si bonne, sans goût et peu chargée, mais ça lui permet de ne pas enquiller ses verres trop vite - et de les descendre sans voir trop flou. La table est collante, l’établissement est bruyant. A cet instant il pourrait presque dire qu’il préfère l’autre taverne, mais à vrai dire il n’y vient pas forcément pour le confort. Il y vient surtout parce qu’elle est à une distance idéale de Kaamelott, ni trop près pour ne pas croiser du monde qui pourrait le reconnaître aisément, ni trop loin pour rentrer après avoir consommé.

Sa journée lui semble un peu moins longue quand il contemple le fond de sa chope. Parce que oui, elle a été longue ! Il est Chevalier depuis près de deux mois et il n’est toujours pas affecté à des missions d’intérêt. Ce matin, il a dû aider un pauvre paysan à retrouver ses poulets, quelle angoisse ! C’est pas pour ça qu’il est devenu Chevalier, non, il veut de l’aventure, du combat, défendre noblement la veuve et l’orphelin sans être intéressé par la récompense… Et pas battre la campagne à l'affût de stupides poules pas capables de se tenir sages dans un enclos ! Quand d’autres ont des assignements nobles, des quêtes légendaires...  « Tavernier ? » Rien que d’y repenser, pourquoi c’est lui qui se retrouve avec ce genre de tâches ? Ça le met en colère ; il commande un autre verre.

Son après-midi s’annonçait plutôt morne, il était affecté à la salle des gardes, afin de veiller à ce que les patrouilles soient bien respectées par ceux-ci. Il était sur le point de s’endormir quand une intruse était entrée subitement dans la pièce, normalement interdite aux extérieurs. Ne vous y méprenez pas, elle n’avait pas l’air d’une truande. Au contraire, elle présentait bien et maniait l’art de l’éloquence à tel point que Galien avait failli s’y laisser prendre. Après tout, si c’était une Dame de la cour, elle méritait d’être entendue. Mais il avait fini par conclure qu’il ne s’agissait que d’une curieuse. Elle posait trop de questions dont elle exigeait les réponses, et refusait de quitter les lieux sans qu’on lui ait apporté les réponses qu’elle souhaitait. Soi-disant à la recherche de son frère, Jesaisplusquoi d’Aquitaine… Galien l’avait éconduite, d’abord gentiment, puis plus fermement avec l’aide d’un garde qui passait par là.
Une fois l’inconnue dehors, il avait quand même jeté un œil aux registres histoire d’avoir bonne conscience, ou peut-être pour trouver une réponse qui éloigne définitivement la curieuse dans le cas où il la recroiserait - il n’avait jamais croisé de Chevalier d’Aquitaine, peut-être avait-il péri lors d’une mission ? Mais non, les registres faisaient bien état de cet homme, envoyé en mission de haute importance quelques semaines plus tôt. Une quête sans doute trop importante pour en partager les détails avec la première venue, d’ailleurs. Galien avait eu raison de ne pas céder ! Il ressentit brièvement la fierté d’avoir en quelque sorte défendu le Royaume. Et puis, plus difficile à admettre, en lisant l’assignement de cet autre Chevalier plus expérimenté, la jalousie était montée.

Toujours rongé par son envie d’égaler le niveau de noblesse des missions de ce Chevalier, Galien ne parvient à soulager ses démons que dans la boisson. Le nez dans son verre, il est loin de se douter que cette histoire de frère perdu n’est pas prête d’être terminée.